Poésie de chiotte / poésie vagabonde - 1950 > 1953
Le premier poème ci-dessous est antérieur à la période mais il parle du décès d'Eugénie Bouchin et du lieu où repose son corps.
Nous l'avons mis ici, comme un préambule, car suite à la mort de sa femme, Hippolyte va terminer sa vie en vagabond et sombrera vraisemblablement dans la folie,
Le terme de "poésie de chiotte" fait référence au fait qu'Hippolyte a beaucoup écrit dans les toilettes publiques (en en faisant même au début sa source d'inspiration ; il a ensuite laissé ses pensées vagabonder, tout comme lui, ce qui a donné des vers très libres, très hétéroclites... mais toujours écrits sur les murs des toilettes, parfois les bancs publics).
L'avant-dernier poème Délivrance du néant est un poème (prophétique) qui annonce sa fin de vie et sa disparition dans le gouffre de la Chutenaie, sans doute renvoie-t-il aux premières questions qu'il posait en tant que jeune prêtre sur le fait de pouvoir choisir sa mort.
On ne sait pas de quand date le denier poème, on sait seulement qu'il parle de la dernière demeure d'Hippolyte.
Eugénie, quelque part (Octobre 1948)
La poésie ne se réclame pas des carrés
la géométrie vaut pour les mathématiciens, le clergé rigoriste et les saffréens des lignes droites
mon amour aimait les courbes, les rondeurs insolentes et la poésie des plantes
qu'elle laisse les plantes l'aimer jusque dans les cieux
mon amour ne se réclame pas des carrés
qu'elle laisse les plantes courbes invoquer la rondeur des cieux
(...)
la Foi est l'ouvrage du cœur qui résonne dans le pas des fleurs
retour à la terre, aux pistils envoûtants
hommage des tulipes et d'une Gunnera préhistorique
il n'y aura que les racines pour caresser son corps et l'odeur de la terre pour l'aimer encore
la grille se dressera car la grille sonne le glas.
Sans titre (1950)
Colon bien calibré
Fera fumer le calumet
Du pet
Sans titre (1950)
Le peuple est dans la merde
Ses chiottes sont mobilisées
Pour servir de tranchées
Sans titre (1950)
Quand le peuple n’aura plus de chiottes
Il ira poser son étron
Dans le creux d’un tronc
Sans titre (1950)
Les plus belles fèces du roi
Ne valent que pipi d’chat
Même dans le satin des draps
Sans titre (1952? - 1953 ?)
Dans la tentation de la fuite
L'ivresse d'une rebellion
Le courage n'est qu'obscur palimpseste
Cachant la lâcheté du refus
Sans titre (1953)
Le gain de nos placements
Sera malgré tout la solitude
Rutilant bouclier contre le mépris
Et je danserai sur vos bouquets d’indifférence
Jusqu’à l’ultime tombée du jour
L’Être (1951)
L'Être – Je :
Pensée Métaphysique du Moi
L'Être – Tu :
Assassin !
L'Être – On :
Pensée de merde
L'Être – Tas :
Fadaise !
Sans titre (vraisemblablement 1953)
Délivrance du néant
Aspirations d’alluvions
Au fond du gouffre béant
De l'Effondreau
Mon Isac m’appelle
Au creux de ses méandres
Enfin me lover dans l’abîme
Aux mille échos de craie
Écouter les sirènes fossiles
Dans un ultime cantique
Sans titre (entre 1945 et 1952)
Une sépulture est une audace,
volonté de défier le temps qui passe.
Quand la mort est un endroit,
elle mérite l'humilité de son plein droit.
N'exister que par l'absence c'est exister déjà
et vouloir plus que ça, c'est défier l'être-là.
Nul besoin du luxe d'un marbre ou d'un ciment,
pour rompre le lien des évidences et accepter le néant.
Il suffit d'acquiescer aux peut-être et sans doute d'y faire face
car toute sépulture est une audace.
Sans titre (1950)
A bas les députés
En haut de leur perchoir
Le peuple aura leur peau
Au matin du grand soir
Le balai de nos chiottes
Fera le grand ménage
Les culs terreux en bottes
Se préparent au carnage
Nos vits dressés comme des pics
Empaleront les riches
Qui forniquent avec la république
Sans laisser de pourliche