La poésie des débuts - 1885 >1913
Les poèmes ci-dessous font partie d'une série de plusieurs poèmes de jeunesse, tous sur la nature, vraisemblablement écrits lors de balades dans les campagnes saffréennes en compagnie de l'archéologue Alcide Leroux.
Les deux premiers ont été écrits suite à un incident lorsqu'Hippolyte a lâché des canards dans le puits, il l'a ré-écrit cinq ans plus tard sous une autre forme plus épurée, on sent qu'il cherche d'autres styles à partir d'une même poésie.
"Balade saffréenne" est construit comme une promenade à travers certains villages de Saffré (thème amorcé dans le poème « Lalou » écrit un an plus tôt.
On sent dans les deux derniers un questionnement sur le monde qui amorce sa foi.
(Les canards [1] - 1883)
Les canards cancanent et dodelinent
autour du puits de la mère Titine
Dans le puits les canards ont été jetés,
L'eau a été souillée
C'est maintenant la mère Titine
qui cancane et dodeline
autour du puits.
(J'ai construit - 1884)
J'ai construit le grand soleil
Qui m'a illuminé toute ma vie
J'ai construit les couleurs
Afin que personne n'ait peur
J'ai construit ma vie de bonheur
Pour que poussent des fleurs
J'ai construit les visages joyeux
Afin de construire l'unique monde heureux.
(Lalou - 1886)
Lalou, du Pas du Houx
Lalou, à pas de loup
Lalou, joue de la houe
Lalou, tombe dans la boue
Lalou a vu le hibou
Hou Houuuuuu
(Les canards [2]- vers 1888)
Canards lâchés
Saffré fâché
Je fuis
Le puits
(Petites bêtes - 1884)
Drôles de petites bêtes que voilà,
Huit pattes tu as,
Huit yeux tout ronds
Ta toile tu tisseras,
Malheur à qui s'y accrochera
Pauvre insecte qui s'y colla
Dans le cocon tu le rouleras
Pour ton repas, il finira !
(Sans titre - vers 1884)
pomme rouge, pomme douce
pomme verte, pomme amère
herbe verte, herbe douce
herbe rousse, herbe rèche
pluie d'été, c'est bien frais
pluie d'hiver, froid sévère
(Le temps - 1884)
Le temps s'écoule
Par heure, puis minute et fini par les secondes
Le temps s'égraine
Il n'en fini pas
Le temps ne s'arrête jamais
Le temps avance sans cesse
J'avance mais le temps me rattrape
A chacun de mes pas, le temps me suit
Je cours, il court aussi
Et plus je vieillis, plus le temps passe vite
Ça y est le temps m'a doublé,
Je n'y suis plus.
(Le printemps - vers 1885)
Au détour du chemin
de violettes un bouquet
parfait
Il faut en profiter
car bientôt sera couvert
non pas de thym ou romarin
mais d'aubépine et de fougère
(Trois fois les gouffres - 1886)
Les gouffres sont beaux
ce sont des trous d'eaux,
les gouffres sont fascinants
personne n'y voit jusqu'au dedans,
Les gouffres font peur
ils attirent le malheur.
(Balade saffréenne - 1887)
Qui veut faire de la poésie se promène à Saffré
de Bouzenais aux Coudrais
À la recherche d'un gué, d'une orchidée
il poussera jusqu'au Bois Gouet
Les chemins, les prairies
Les Ormes et les frênes
les vaches et les brebis
en suivant son envie
arrivera jusqu'au Chêne
L'Étang Neuf ou Pichon
La Landelle ou Champion
en cherchant la fraîcheur
trouvera La Bottine
à la fontaine St Pierre
remplira sa chopine
De retour au village
s’arrêtera sur le banc
pour noter sur sa page
les vers encore brûlants
(Promenades - 1886)
Dans les bois où je me suis promené
dans les bosquets où j'ai pu me cacher,
j'ai vu des arbres, j'ai vu des animaux
j'ai bu les couleurs du bord de l'eau.
(Sans titre – 1887)
Je vois des escargots et des fossiles
Je marche d'un pas d'argile
Je vois des fours et j'en ai chaux
La fontaine me guérit d'un peu de son eau
Je regarde le passé d'une réalité ronde
Qu'est-ce que je comprend du monde ?
(Sans titre – 1884)
A cheval dans la campagne,
Au galop dans le ruisseau
Au trot, il est trop tôt.
(Rouge – 1887)
Se cacher dans un coin
rouge de confusion
pour des œillades, au loin
rouge de profusion
(Sans titre - 1887)
La mer à Saffré
La mer du passé
Qui l'a retirée ?
Quelque chose au-dessus
l'a retirée en dessous
Il y a des mystères en nous
Il y a des mystères partout
(En pente – 1887)
Mots lisses
qui glissent
dans la largesse
de nos paresses
et rebondissent
avec malice
dans la chaleur
d'une bonne humeur
Toujours sur le thème de la nature, les poèmes suivants parlent du séquoia qu’Hippolyte a planté devant la cure en 1890.
Les nombreux poèmes sur cet arbre encore assez méconnu en France montre la fascination d'Hippolyte, on voit aussi que c'est une période où il joue avec les styles : il garde parfois ce ton qu'il avait dans ses poèmes de jeunesse, d'autres fois il affirme son style d'adolescent qui maitrise le verbe. Cette période est véritablement celle qui va le révéler car on voit qu'il ne cherche pas UN style mais qu'il joue pleinement avec la poésie !
(Les monuments de Saffré - 1890)
L’Église a comme ami, le puits.
Le château a des histoires étonnantes,
Je crois qu'il s'illumine à minuit,
Ce sont des choses fascinantes, que je regarde avec envie.
La fontaine St Pierre,
aussi appelée le lavoir,
est faite tout en pierre,
Bien sûr celle du terroir.
Le séquoia est tout en bois,
Le visage de la loi,
Je crois voir dessiné,
Qui voit ma destinée.
(Je vois- 1890)
Quand je vois le séquoia
je crois qu'il me voit,
Quand j'entends des voix
Je comprends qu'ils sont là,
Quand je chante à tue-tête,
Je comprends qu'ils s'embêtent,
Et quand je me regarde,
Je me vois dans les nuages.
(Acrostiche - 1890)
Silencieuse graine
Évaporée d'un lointain voyage
Qu'il te plaise d'être maintenant ici
Utile à nous remplir de poésie
Ou de souvenirs, ou de mirages
Imprégnant de sereines
Âmes.
(Le monde mystérieux- 1890)
Le puits mystérieux
a avalé les canards tout crus
La maison a tout vu
J'ai disparu
Le sequoia croit voir un manoir
Avec ce visage si mystérieux
Et courageux
Et je crois
voir le Maitre
Des cieux si merveilleux
(Séquoia - 1890)
Petit être fragile
Je te remets entre les mains de la terre
Devenir notre svelte vigile
En nous couvrant de tes artères
(Arbre - 1890)
Arbre, dans ton bois dur
je vois un cœur pur.
Arbre, entre tes mains
Je vois un rêve sans fin.
Arbre, entre tes feuilles
je vois la nature qui se recueille.
Arbre, entre tes racines
je vois une âme qui se dessine.
Arbre, au fin-fond des bois
Ta place sera toujours là.
Les deux poèmes suivants sont liés à l'affirmation de sa Foi.
Le premier en témoigne, le second - plus tardif, amorce une série de doutes.
(Sans titre - 1887)
La vie me porte
Et Dieu m’apporte
L’Amour en présent
Par le don de son sang
Qu’importe la mort
Cet amour me rend fort
(Sans titre - 1890)
Seigneur qu'as tu fait de ces hommes
Égarés qu'ils sont dans les conquêtes
Pillant ces pauvres bêtes de somme
Que ne leur as-tu mis dans leur misérable tête
Que vice escroquerie et corruption
Que faire devant cette montagne dépravée
Moi humble serviteur en adoration
Devant ton chemin de croix trop souvent oublié
Que faire pour stopper cette horde
Brûlant et violant dans chaque village
Les protégés de ta miséricorde
Et pourtant dépouillés dans ton sillage
Seigneur vois-tu ma peine ma désolation
De ne point sentir mes épaules assez fortes
Pour apporter au martyr cette consolation
Cette chaleur à leur âme qu'elle réconforte
Où es-tu Seigneur pour me donner la main ?
Les deux poèmes suivants ont été écrits au retour de visites à des saffréens. Le premier fait suite à une visite auprès d'un mourant – le thème est très novateur (provocateur ?) puisqu'on y décèle en filigrane la question du choix de sa mort. Le second évoque son don de magnétiseur.
(Sans titre - 1898)
La vie s’époumone
Dieu te soutient
et n'abandonne
personne.
La vie s'époumone
écoute la
et n'abandonne
à personne
le choix de la quitter
(Sans titre - 1899)
Chasser la souffrance du corps
Dieu m'a donné ce don
Soulager la souffrance de l'âme
Voilà ma véritable mission
La beauté, la poésie
Aussi apaiseront
Je poursuis mon chemin
Avec rimes et raison
Et remercie Dieu pour ce don